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Nom de domaine et droits d'auteur
Nom de domaine et pseudonyme, nom patronymique
Nom de domaine et nom de commune
Nom de domaine et dénomination sociale
Nom de domaine et marques :
1 - l’opposition de 2 signes distinctifs
2 - le dépôt de la marque en classe 38 « Télécommunications »
3 - les marques dites « notoires »
4 - la parodie de marque est-elle possible ?


Nom de domaine et droits d'auteur

 

 


Malgré l’absence de dépôt d’un nom protégé par le droit d’auteur (titre de livre, de film...), le nom de domaine peut entrer en conflit avec des droits d’auteurs. La recherche de la solution se fera sur la reconnaissance de l’originalité permettant la protection et l’antériorité des droits sur le nom.

La décision suivante(1) l’illustre parfaitement :

TGI Nanterre 20/09/2000 « Ecran Noir » « Ecran noir », un ciné-zine francophone, se rendit compte lorsqu’il a quitté son hébergeur que ce dernier avait déposé le titre Ecran noir en .com, .org et .net en mars 1998. L’antériorité du titre a été prouvée et l’originalité du nom a été acceptée par le magistrat ce qui a notamment pour conséquence la restitution des noms de domaine au titulaire du titre.

 
(1) Source : www.juriscom.net
 


• Nom de domaine et pseudonyme, nom patronymique

 

 
L’usage d’un pseudonyme d’un tiers (ex : Johnny Halliday) comme nom de domaine peut-être interdit comme l’usage sans droit du nom d’un tiers (art. 122-4 CPI). C’est alors le droit commun, par le droit au nom, qui s’applique.
 


• Nom de domaine et nom de commune
(1)

 

 
Deux exemples pour illustrer la problèmatique.

Le TGI de Versailles, dans une ordonnance du 22 octobre 1998, a interdit à un particulier d’utiliser le nom de la commune d’Elancourt pour exploiter un site personnel consacré à la commune à cause du risque de confusion avec le site officiel de cette dernière.

De même, dans l’affaire « www.saint-tropez.com » du TGI de Draguignan (21 août 1997), où le prestataire mandaté par la commune avait déposé ce nom de domaine à son insu, la contrefaçon de la marque Saint Tropez fut reconnue et le nom de domaine restitué.
 
(1) Source : Pierre Breese « Guide juridique de l’Internet »
 


• Nom de domaine et dénomination sociale


 


Une décision illustre résume parfaitement ce type de conflit.

:TGI Paris 23 mars 1999 Affaire Alice SNC (1) contre Alice SA (2). Cette affaire opposait deux sociétés avec une même dénomination sociale (Alice). L’une est une agence de publicité, l’autre un éditeur de logiciels et (entre autres) de développement, maintenance de matériels informatiques.
Cette dernière, qui détient la marque Alice d’Isoft, avait enregistré le nom de domaine Alice.fr et voyait cet enregistrement contesté par l’agence de publicité, qui détenait la marque Alice.
Le tribunal a simplement conclu à une absence de risque de confusion entre les deux dénominations, à défaut de la preuve d’une notoriété dépassant le domaine d’activité de l’agence de publicité, et en raison de l’absence d’originalité de la dénomination sociale qui est un prénom commun.
La demande fut donc logiquement rejetée.

 
(1) Société en Nom Collectif
(2) Société Anonyme
 


• Nom de domaine et marques

 

 

1 - l’opposition de 2 signes distinctifs

Deux grandes différences séparent la marque et le nom de domaine :

La marque fait l’objet d’un droit de propriété, et ceci au terme d’une procédure d’enregistrement, alors que le nom de domaine fait seulement l’objet d’un droit d’usage et est réservé par simple formalité administrative.

Le nom de domaine a un rayonnement planétaire et sa réservation entraîne son indisponibilité mondiale alors que plusieurs marques identiques peuvent co-exister dans différents pays ou dans un même pays selon les classes dans lesquelles elle est déposée, comme la crème Mont-Blanc et les stylos Mont-Blanc.

L’activité de Cybersquatting, voire de Typosquatting a été principalement combattue par le biais du droit des marques, de nombreuses marques dites notoires récupérant le nom de domaine illégitimement déposé.
Si le Cybersquatting a été une activité lucrative pour certains au début d’Internet, la jurisprudence est venue réguler ces dépôts illégitimes et les condamne régulièrement.

 


• Nom de domaine et marques

 

 

2 - le dépôt de la marque en classe 38 « Télécommunications »

Le droit sur une marque ne donne en aucun cas un droit similaire sur le nom de domaine correspond, loin s’en faut. Certaines entreprises se sont d’ailleurs crues protégées par le dépôt « défensif » de leur marque en classe 38 « Télécommunications ». Cependant, même si Internet fait partie des éléments de cette classe, cela ne donne aucun droit de priorité sur un nom de domaine.
La condition de la protection sous cette classe est l’offre d’un véritable service ou d’un produit de communication avec des moyens informatiques.

Décision : TGI Nanterre 21 janvier 2002 affaire Saveurs et Senteurs créations.

Dans cette affaire, la société Publications Bonnier est éditrice de la revue « Saveurs » consacrée à la gastronomie et est titulaire de cette même marque, notamment en classe 38 « Télécommunications ».
Elle demande le transfert du nom de domaine www.senteurs.com déjà enregistré par la société Saveurs et senteurs créations, dont l’activité est la recherche et la composition de parfums à destination de la gastronomie et qui est titulaire de la marque « Saveurs et senteurs ».
La déchéance partielle de la marque « Saveurs » en classe 38 est prononcée par le tribunal, ce dernier considérant que l’activité de la société dans cette classe avait été insuffisante dans les cinq années précédentes. Il considère en effet que les services de télécommunications de la classe 38 « ne se confondent pas avec les multiples services pour la fourniture desquels les communications par minitel, messagerie électronique, ordinateur ou tout autre support (tel Internet) ne sont qu’un moyen ».
Le tribunal considère donc strictement l’activité d’une société dans la classe 38, il ne doit pas s’agir d’un usage irrégulier et partiel de services de télécommunications mais d’une activité continue et à part entière dans le secteur.


Deux principes se dégagent de cette décision :


Le simple dépôt d’une marque en classe 38 ne suffit pas à empêcher l’enregistrement d’un nom de domaine.

Le contenu du site doit être étudié en comparaison avec celui des produits ou services de la marque afin de déterminer s’il y a ou non contrefaçon.

CA Versailles 22 novembre 2001 Affaire Zebank / Zebanque.

Dans cette affaire Zebank, la cour avait déjà considéré que « l’enregistrement d’un nom de domaine est en lui-même neutre, de même que l’est le support que constitue Internet ». La contrefaçon n’a pas été ici retenue car la preuve de la similitude des activités des sites n’était pas rapportée. Par contre, les infractions de parasitisme et de dénigrement sont retenues, engageant la responsabilité civile des sociétés qui avaient réservé les noms de domaine Zebanque.com et Zebourse.com.

La jurisprudence française commence donc à trouver une ligne directrice en appliquant le principe de spécialité des marques aux conflits avec les noms de domaine.

 


• Nom de domaine et marques

 

 

3 - les marques dites « notoires »

Une marque notoire est une marque connue d’une large fraction du public et qui crée dans l’esprit du public une association immédiate entre son sigle et les produits ou services qu’elle désigne (BMW, NIKE, …).

Les critères sont : l’ancienneté de la marque, l’importance de son exploitation, les investissements réalisés par leur titulaire pour sa publicité, et les résultats de sondages d’opinion.
Cette qualité permet à la marque d’empêcher un dépôt dans des classes pourtant extérieures à celles de son dépôt et, ce qui nous intéresse ici, de s’opposer à l’enregistrement par un tiers d’un nom de domaine qui lui cause préjudice.

Malgré cela, en 2002, France Televisions Interactive n’a pu obtenir le transfert des noms de domaine « France2.com » et « France3.com » enregistrés par le Coréen Segwon Kim.
En effet, après une décision favorable de l’ICANN, l’OMPI n’a pas reconnu la notoriété des marques France 2 et France 3 en Corée.

Cet exemple montre à la fois l’importance que doit avoir pris une marque pour devenir notoire mais aussi la difficulté engendrée par le caractère international d’Internet en cas d’enregistrement d’un nom de domaine à l’autre bout du globe.

 


• Nom de domaine et marques

 

 

4 - la parodie de marque est-elle possible ?

Un site web peut servir à critiquer une entreprise ou autre groupement, c’est alors à sa marque que l’on se réfère et c’est souvent elle qui est intégré dans le nom de domaine, l’exemple le plus connu étant « jeboycottedanone.com ».

Cependant, l’exception de parodie appartient aux droits d’auteur, pas au droit des marques.

La décision suivante en est doublement intéressante :

TGI Paris référé 26 juillet 2002 Areva /Greenpeace.
En reproduisant sur son site web le logo "A" d'Areva avec une ombre en forme de tête de mort, Greenpeace n'a pas contrefait la marque figurative d'Areva (grand groupe nucléaire français), mais l'a représentée de façon caricaturale. Greenpeace n'a donc pas porté atteinte à la propriété de la marque, mais a simplement usé de son droit à la critique et à la caricature.

Cette décision contraste avec la jurisprudence "JeboycotteDanone.com" et la dernière décision du TGI de Paris qui avait statué sur un litige similaire entre Esso et Greenpeace. Dans ces précédentes affaires, le juge avait retenu la contrefaçon des marques et avait donc enjoint les propriétaires des sites web de retirer les éléments litigieux.

Pourtant dans les deux cas, les "contrefacteurs" avaient pour objectif de dénoncer la politique de ces deux groupes, sans aucune finalité mercantile. L'avocat de Greenpeace a pourtant fondé ses arguments sur cet article et en se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2000, qui avait débouté de sa demande Jacques Calvet, président de Peugeot SA, contre Canal + (pour les Guignols de l’Info).

La décision entre Areva et Greenpeace n'est pour l'instant intervenue qu'en référé, par conséquent il faut encore attendre la confirmation au fond.

En tout cas cette nouvelle orientation de la jurisprudence française est à saluer au nom de la liberté d’expression, que la représentation soit faîte dans un but politique ou de simple parodie ou critique.

 


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